TDoR 2024 – Prise de parole

Texte de notre prise de parole au TDoR 2024 à Rennes

En cette journée de commémoration de nos morts et mortes, nous savons que la tristesse est la première émotion qui nous vient. Bougie, couronnes de fleurs… On repense à celleux qu’on a perdu-e-s, celleux qui sont passés pas loin, et aux deuils à venir.

Vivre Trans, c’est vivre avec la connaissance que nous, nos proches et/ou nos adelphes seront opprimé-e-s, agressé-e-s, humilié-e-s, régulièrement assassiné-e-s.

350 d’entre nous tués en un an. Parmi ces victimes, un peu moins de la moitié étaient Travailleureuses du Sexe. Une propotion qui diminue graduellement chaque année depuis 2008. Non pas qu’ils tuent moins les TDS, les assassins s’attaquent surtout de plus en plus à d’autre catégories. De plus, beaucoup des victimes sont jeunes, 1/3 avait entre 31 et 40 ans. 1/4 entre 19 et 25 ans. Également, 15 mineurs assassinées.

Toujours plus de mortes, et pourtant les situations sont si familières : Essentiellement des femmes trans non-blanches et notamment noires. Près d’une sur deux travailleureuse du sexe.

Et comment être surprise quand partout dans le monde, notamment occidental, le fascisme gonfle, avance, prend le pouvoir. C’est lui, le fascisme, qui peint toujours une cible dans le dos des mêmes : femmes, TransPédéGouineInter, travailleuses du sexe, personnes racisées.

C’est en s’appuyant sur ses piliers du patriarcat et du racisme que cette idéologie mortifère nous marginalise, fait de nous des bizarres, des innacceptables,.. des queers.

Mais bien souvent aussi, des dispensables, des dérangeantes… des dérangées. Toustes le savent bien : dans nos communautés de marginalisé-e-s, il y a beaucoup de personnes handicapé-e-s, beaucoup de personnes folles. Aujourd’hui, extrême centre, néo-libéraux et fascistes travaillent main dans la main pour organiser la mise au travail de gré ou de force. Une nouvelle « loi immigration » annoncée pour 2025. La violence contre les pauvres en criminalisant toujours plusse les SDFs et les squatters notamment. Aux handicapées rejetées par un monde du travail toujours plus violent, le gouvernement entend proposer le suicide, avec l’appuie même des forces politiques de gauches.

Des année-e-s qu’on hurle : « plus jamais ça ! », « assez ! », « pas une de plus ! ».

Chaque année il est de plus en plus clair que ni nos cris, ni nos larmes, ni notre sang ne les feront bouger. Il n’y a rien à attendre des institutions qui au mieux nous donnent moins que des miettes.

Alors pour avancer, il faudra aussi s’attaquer au validisme et au sanisme.

Trêve de constat. Maintenant on fait quoi ? Répondons à l’unisson : ORGANISONS-NOUS !

Il est plus que jamais urgent de donner de la substance au mot communauté que nous utilisons toustes tant. C’est par l’auto-gestion que l’on gère le mieux nos transitions médicales. Par l’autonomie dans le TDS que l’on trouve notre subsistance. C’est dans la solidarité que réside notre résilience. C’est dans le collectif qu’éclot notre pouvoir.

Et puis, sortons les crocs !

A force de voir les mêmes atrocités se reproduire, voire empirer, sans rien pouvoir y faire, on sombre. On doit réussir a attaquer ceux qui nous attaquent. On doit cibler nos objectifs, savoir pourquoi on les attaque, et y aller fort pour ne plus laisser exister ce qui nous tue. Le 25 novembre au soir, attaquons la Nuit du Bien Commun, un événement de milliardaires anti-IVG, anti-trans, qui vient tranquillement diffuser ses idées morbides à Rennes. Attaquons les pseudos soignant.es qui nous pourrissent la vie et nous empèchent d’aller mieux quand le monde nous déboite trop : médecins, psychiatres, endoc’… on a toustes des expériences de merde avec certain.es d’entre eux… Alors empêchons les de continuer à agir de la sorte !

Attaquons les collectifs abolitionnistes, qui foutent dans la merde les plus précaires de nos communautés : Amicale du Nid, Osez le Féminisme, ça dégage de Rennes !

Attaquons le racisme systémique et ceux qui le représentent, ceux qui valident et utilisent les frontières pour arme d’oppression des personnes racisé.es !

Attaquons Thales, Carrefour, qui soutiennent un
génocide de masse, attaquons Apperé qui laisse
les migrant.es à la rue !

A nos ennemis : ne confondez pas nos larmes avec de l’impuissance. Sous notre tristesse bouillonne la rage de changer cette société dégueulasse qui nous marginalise et voudrait nous voir nous cacher, sinon disparaître. Nous ne sommes pas des victimes par essence. A leur projet politique infecte, nous répondrons par la force de l’organisation et de la solidarité.

Nous sommes Queer, vénères et révolutionnaires.

Votre monde tombera.
Nous le démantèlerons.
Brique par brique, mur par mur…

Tremblez, on arrive.

TDoR 2023 – Prise de parole

Les politiques guerrières, fascisantes et colonialistes sont transphobes.

Les luttes décoloniales et anti-impérialistes peuvent libérer et sauver des personnes trans.

Imaginez.

Des cadres de vie bouleversés par la guerre. Des vies trans et enbies bouleversées par la guerre. Pour les personnes transfems, il y a le risque qu’elles-se fassent enrôler pour le front. Parmi les hommes, cis bien entendu. Une société patriarcale attend d’être à genoux avant de confier sa défense à des femmes. Mais elles seront des femmes, trans, subissant la transphobie de leurs « frères d’armes*, et les horreurs de la guerre.

Mais même en n’étant pas envoyé-es au front nos adelphes subissent les bombardements, les rationnements, notamment sur les médicaments, les lois martiales, et les réactions LGBTIphobes émergeant ou s’amplifiant.

Leurs existences sont de toute manière instrumentalisé-es, tout autant par des camps politiques se prétendant leurs défenseurs mais qui n’ont en tête que du pinkwashing nationaliste pour faire d’elleux des bon’nes patriotes ; que par des camps politiques les étiquetant comme adversaires intérieur-es comme exterieur’es, déviant’es, ennemi-es des valeurs traditionnelles et de la Patrie. Intégrismes religieux et discours déshumanisants sont toujours bien pratiques pour justifier des pires sévices. Flicage, exclusion de l’espace public, thérapies de conversion, ou pire encore. Nos adelphes craignent pour leur vie, pour la vie de leurs proches, iels craignent l’occupant et ses exactions. Iels craignent l’occupant et ses velléités colonisatrices.

Car le colonialisme n’apporte que fractures et violences malgré ses prétentions d’apport du progrès, d’une bonne morale, voire de “civilisation », tant qu’il y est. Il instrumentalise à nouveau l’existence de nos adelphes trans, pour assoir sa domination. Soit il se sert d’elleux comme tokens pour déshumaniser un peuple, ou les présentent comme des êtres à sauver de leur propre peuple ; soit il encourage la transphobie à leurs égard et c’est alors elleux qui sont déshumanisé-es.

Le colonialisme n’est jamais émancipateur, malgré ses plus beaux masques et images de propagande pailletés. Il peut autant effacer l’existence des trans et plus largement des LGBT, comme il peut opposer nos adelphes : entre colons et colonisé’es, bon’nes trans, mauvais-es trans, civilisé-es, sauvages.

Le LGBT colon, il vient en soldat poser fièrement, drapeaux arc-en-ciel à la main, sur les ruines d’une ville qu’il vient raser, après avoir massacré sa population.

Parmi cette population : des queers, des trans, nos adelphes: Voilà à quoi ressemble la libération LGBT promise par le colon se prétendant défenseur des LGBT, qui les écrase sous ses bombes “Au nom de l’Amour”.

Mais revenons aux personnes trans. Imaginons qu’elles parviennent à fuir leur pays en guerre, et qu’elles se retrouvent à la frontière, face aux gardes, présentant leurs papiers. Que leur identité, prénom et genre soient à jour ou non sur leurs papiers, nos adelphes risquent les humiliations, le rejet, les violences. C’est systématique. C’est déjà la merde les papiers quand t’es trans, alors imaginez pour les trans réfugié’es, avec ou sans papiers.

Qui sait, cette violence ou les politiques internes du pays à passer les forceront à la clandestinité. Et après le passage des frontières, si elles parviennent à les passer, les galères continuent. L’enfer administratif que rencontrent toute personne exilée est à nouveau plus complexe avec des papiers mal adaptés, quand papiers il y a. Les violences administratives, qu’elles soient d’ordre racistes, transphobes, ou les deux, la violence des camps de réfugié’es, etc, nos adelphes les subissent tous les jours.

Imaginez, les flics qui les traquent, les contrôlent, et peuvent de-les jeter dans un CRA, un Centre de Rétention Administrative. C’est un joli nom pour parler de camp de concentration pour personnes exilées avant leur expulsions vers le pays qu’elles ont fui. Si ces gens ont quitté-leur pays c’est bien souvent pour y fuir la guerre, la répression, et bien souvent dans le cas de nos adelphes, les LGBTIphobies, et dans le cas des personnes trans, la transphobie.

Oui des adelphes sont expulsé-es vers la mort, c’est une réalité. Les frontières et les politiques migratoires tuent. En cela les frontières et les politiques migratoires, non contentes d’être racistes et assassines, sont LGBTIphobes, et transphobes.

Et même si ces adelphes exilé-es arrivent à rester sur le territoire, voire parviennent à être régularisé’es, iels ont tout risque de subir les politiques fascisantes qui font leurs choux gras dans bien des pays dits progressistes, développés, en paix. Les tafs précaires, les agressions de rue sont le quotidien des trans exilé-es. Leurs taf et leurs capacités de revenus sont attaquées et complexifiées. Les rares lieux, réseaux et communautés de soutien existant seront souvent ignoré-es par beaucoup de gens. Nos adelphes sont délogé-es quand les flics viennent expulser leurs camps de fortune avec la violence policière qu’on leur connaît, ou quand-ces mêmes sales flics viennent péter les squats queers qui offraient un peu de logis et de soutien. Nos adelphes ont moins sinon pas du tout accès aux réseaux de soin et de santé, et ça les met d’autant plus en danger et en détresse.

Toutes les politiques répressives envers les exilé-es sont transphobes, parce que les populations trans ont bien des raisons de vouloir fuir et passer des frontières dans l’espoir d’une vie meilleure.

Toutes les politiques participant au maintien et au renforcement de nouvelles frontières sont des attaques directes contre nos adelphes. Chaque mur, chaque rideau de fer, chaque grillage barbelé ainsi financé est une attaque odieuse envers les nôtres.

Les guerres impérialistes forçant des populations à l’exil pour échapper à la mort, tuent aussi nos adelphes. Les propagandes impérialistes les tuent une deuxième fois en niant leur existence, ou en capitalisant dessus pour justifier de leurs politiques guerrières.

La lutte contre les frontières, contre le racisme, le colonialisme et les impérialismes sont vitales peuvent participer à libérer les personnes trans colonisé-es, exilé-es, subissant les horreurs des guerres qui les tuent. Les politiques guerrières, fascisantes et colonialistes sont transphobes. Les luttes décoloniales et anti-impérialistes peuvent libérer et sauver des personnes trans. A nous de construire, encourager, soutenir et faire vivre un décolonialisme prenant en compte la libération des queers et des trans.

Nous voulons attirer votre attention sur les personnes trans et non-binaires qui existent partout, et qui loin de nous souffrent et meurent aussi. Nous ne voulons pas qu’elles soient oubliées et invisibilisées. Enfin, nous souhaitons aussi condamner l’homonationalisme, la récupération de nos luttes par l’extrême-droite permettant à certaines personnes LGBT d’en écraser d’autres.


TDoR 2022 – prise de parole

prise de parole, 20 Novembre 2022

La journée du souvenir des transgenres a été organisé pour commémorer celleux qui ont été tués par haine ou préjugé anti-transgenres. L’événement a lieu en novembre pour honorer Rita Hester, dont le meurtre le 28 novembre 1998 a lancé le projet web « Remembering Our Dead » et une veillée aux chandelles à San Francisco en 1999. Le meurtre de Rita Hester – comme la plupart des cas de meurtres anti-transgenres – est encore à résoudre. Le 20 novembre nous commémorons nos mort.e.s assasiné.e.s par le système cissexiste et capitaliste (discrimination à l’embauche, préjugés, agressions, violences médicales, etc).

Ce système cisexiste va induire une surmortalité des personnes trans : meurtres, suicides, maladies non prise en charge, etc. En 2021, le projet Trans Murder Monitoring estime que 375 personnes trans ont été tuées au cours de l’année, dans 98% des cas les victimes sont des femmes trans bien souvent TDS (près de deux tiers d’entre elles), racisées et migrantes. En effet le taux de tentative de suicide chez les femmes trans est effarant puisque la moitié d’entre elles passent à l’acte et 85% des femmes trans ont des pensées suicidaires ce qui est 10 fois plus que la moyenne chez les femmes cis. Cet acte, pas anodin, est induit par les violences transmisogynes : harcèlement de rue, agressions, discrimination à l’embauche (62% sont des victimes de harcèlement au travail, 27% de licenciement abusif), difficulté à accéder à un logement 1/4 des personnes trans se sont faites refuser un logement à cause de leurs transitudes), mise à la rue (60% des femmes trans sont en rupture familiale et 20% ont été victimes de violences physique au sein de cette sphère), etc.

Ces violences répressives restreignent l’accès à l’espace public induisant un isolement massif des personnes trans et empêchent de nombreuses femmes trans à s’insérer professionnellement. Face à cette précarisation 20% d’entre elles se tournent vers  le TDS, cependant la loi de pénalisation des clients des TDS voté en 2016 les précarisent davantage et a augmenté le nombre de leurs assassinats.

C’est le cas d’Ivana, une femme trans péruvienne TDS qui fut assassinée en septembre 2021. Le cisexisme, la transmisogynie, le racisme, la putophobie conduisent à une déshumanisation, une précarisation et un isolement de sorte que des meurtres comme celui d’Ivana peuvent se produire dans l’indifférence. Le système médical étatique, adaptée aux corps des hommes cis blac, maltraite les personnes trans : la santé des femmes trans se dégrade de manière exponentielle par rapport à celles des femmes cis, 20% des personnes trans se voient refuser des soins médicaux en raison de leurs transitudes, les parcours de transition sont toujours psychiatrisés et la majorité des parcours de transitions sont gérés par la structure ouvertement transphobe Trans-Santé (anciennement SoFECT et FPATH).

Les personnes trans font aussi face à des violences juridiques : pour changer son état civil il est toujours obligatoire de passer devant un tribunal de grande instance et jusqu’en 2016 il fallait être stérilisé.e pour cela. De même, en 2020, la cour de cassation maintient pour des raisons arbitraires l’interdiction pour les personnes trans de se reproduire. L’Etat policier transmisogyne violente, mutile et tue les personnes trans notamment les femmes trans racisées : elles sont 3,7 plus à risque d’être victime de violences policières, 7 fois plus sujet à des violences physiques lors d’interaction avec la police, elles sont toujours bien souveent incarcérées dans les prisons pour hommes ou elles sont exposées à des violences cisexistes, sexuelles, physiques, médicales (refus d’accès à des soins et aux produits de première nécessité) par les matons, les flics ou les codétenus.

Celles qui sont sans papier et/ou migrantes sont confrontées à des violences administratives extrêmes et souvent renvoyées à une mort quasi-certaine par l’administration française et ce, après avoir été enfermées dans des CRA (centre de rétention administrative).

Le cisexisme est ainsi un système structurel organisé qui maintient et encourage la peur, la haine, le harcèlement, les meurtres et les agressions des personnes trans. Il suffit de voir comment les femmes trans sont représentées médiatiquement : comme des personnes dangereuses et/ou repugnantes. Les discours réactionnaires, les politiques de casse sociales et de réduction des budgets dans les services publics (notamment du chômage) précarisent davantage les personnes trans et les poussent à la mort. Les personnes trans sont affichées par les réactionnaires comme le nouveau danger à l’équilibre social français. Iels sont dépeintes comme des bêtes de foires, des objets sexuels, sans aucune possibilité d’exposer une vision contraire.

Personnes trans assassiné.es, état complice.

Un texte avait été écrit pour une personne trans suicidée, il se fini par cette phrase :

« Nous ne voulons plus compter nos mortes. Nous voulons pouvoir serrer les vivantes dans nos bras et rire avec elles sans craindre  de les voir partir du jour au lendemain, tuées par le système. »