Protocole de gestion des agressions et micro-agressions (en milieu militant)

un protocole réalisé par la rencontre entre la FRAP et le CRAC (collectif rennais anti carcéral)

Nous ne faisons aucunement confiance aux réponses institutionnelles qui sont faites à ce sujet. La police, la justice d’État et son système pénitentiaire reproduisent les mêmes rapports de domination que nous subissons déjà au quotidien et, lorsque ces institutions prennent au sérieux ces problématiques, elles apportent avant tout des solutions punitives et d’exclusion. -LTDP, brochure sur la violence au quotidien

Sommaire

Introduction

Tous et toutes nous avons déjà été témoin ou victime d’une agression ou bien nous avons pu en commettre une. Si ce n’est pas le cas, c’est sans doute arrivé à quelqu’un.e qui nous est proche. Tous et toutes nous avons pu être la victime de quelqu’un.e et/ou le bourreau d’un.e autre. 

Les pratiques agressives sont courantes, qu’elles soient sexuelles ou non, conscientes ou inconscientes, parfois dévastatrices et parfois sans grande conséquence. Ces comportements prennent racine dans notre fonctionnement social, ou système, lequel repose sur l’exploitation et la domination. C’est la société elle-même, avec ses mécanismes de dominations, qui rend possible de tels comportements violents.  S’interroger sur l’origine des agressions, sur ce qui les rend possible, c’est peut-être faire un premier pas vers leur évitement.  

C’est ce qui nous a motivé, entre autres, FRAP (Front Révolutionnaire Anti Patriarcal) et CRAC (Collectif Rennais Anti Carcéral) à travailler ensemble. 

Ce sont aussi nos histoires personnelles qui nous y ont mené.e.s. Nous subissons des oppressions diverses, notamment racistes, transphobes, homophobes, sexistes, et nous avons voulu nous interroger sur les conditions de possibilités de tels agressions. Il nous importe aussi de réfléchir à une gestion des agressions qui ne soient pas punitives.Dans la lignée de réflexions déjà menées et d’autres qui le seront, ce protocole veut éviter, à terme, qu’il y ait des agressions. Nous espérons que, menées collectivement, ces réflexions pourront déboucher, sur la mise en place de nouveaux comportements, non-oppressifs, qui rendraient inenvisageables toute agression.  

Mais, cet objectif est encore lointain et le fait est qu’aujourd’hui, il y a toujours des agressions, notamment dans les milieux militants, et qu’il nous faut gérer cela. Les agressions sont encore difficilement évitées, et sont aussi souvent mal gérées : entre le rejet de la personne ayant commise une faute, le recours à des sanctions, le call out ou le manque de prise de position, de soutien, ou encore la relativisation de l’agression. Il nous semble alors primordial de nous munir d’outils pour mieux les gérer.  

Il s’agit d’ouvrir une réflexion collective sur les manières de réagir face à une agression, manières qui se distingueraient de réponses institutionnelles.  Nous considérons que la réponse à une violence ne peut pas être une nouvelle violence. Il s’agit de rompre la chaîne des agressions car le moins il y a d’agressions supplémentaires en réponse à une agression, le mieux c’est. 

Ce protocole se veut un premier pas vers l’élaboration d’une justice transformatrice et réparatrice, permettant à la fois de faire évoluer les rapports pour que reculent les violences sexuelles, et aidant tant les victimes à se reconstruire que les auteurs des violences à se remettre en cause et changer de comportement. Il est sans doute préférable de questionner et d’agir sur les causes des agressions plutôt que d’agir uniquement sur les conséquences. Ces deux actions sont sans doute indissociables. La lutte contre les violences oppressives dans les milieux militants ne se gagnera pas grâce au rejet et à la sanction. Il nous faut nous éloigner des représentations communes de la justice et de son fonctionnement, celle-ci ayant largement montré ses limites. Il s’agit de penser une justice qui se fassent avec les individus, sans être arbitraire ; une justice sensible aux singularités des situations et des êtres. Ce protocole est aussi une invitation à réfléchir à une justice autre.

Ce protocole est le fruit de notre réflexion, elle n’est pas aboutie mais est un point de départ. Le protocole est disponible et est fait pour que chacun.e, on s’empare de ces problèmes et qu’on y apporte des réponses qui nous soient adaptées. Il est toujours à améliorer, à approfondir, à reformuler. Il est probable que nous continuions à travailler dessus et que ce protocole soit donc évolutif. Ce point met l’accent sur les écueils possibles de ce protocole et nous avons fait au mieux pour les éviter. Nous avons voulu éviter les réflexions oppressives et les remarques qui pourraient blesser. Nous avons voulu éviter, comme nous évitons de l’être au quotidien, d’être racistes, classistes, validistes, sexistes etc. On ne veut pas que ce protocole soit lu comme une leçon, ce sont avant tout des points de vue personnels et des propositions destinés à nourrir les réflexions de la personne qui nous lit. On ne veut pas non plus rendre froids et théoriques des vécus. On ne veut pas que nos propositions soient perçues comme des normes. Il nous semble important de rappeler qu’il y a de multiples manières de gérer une agression et que ce qui est primordial c’est d’être confortable avec la gestion que l’on met en place. Par exemple, le call out est parfois la seule solution. Il n’y a pas d’orthodoxie en ce qui concerne la gestion d’une agression mais il y a nécessairement une réflexion à mener pour minimiser la casse et faire en sorte que cela ne se reproduise plus.

Nous croyons en la créativité de chacun.e pour mettre en place des réponses adaptées. Nous croyons au potentiel que l’on porte en nous et nous pensons que nous pouvons être optimistes, quant aux milieux militants notamment, car il nous est permis d’espérer que la bonne volonté des personnes et le désir de faire sécession avec un certain nombre de pratiques, héritées du monde ancien encore trop actuel, nous permettront d’avancer sur ces questions.

Le but de ce protocole, c’est de gérer et de prévenir les agressions, mais c’est quoi en fait une *agression? (*voir lexique) C’est une action, consciente ou non, qui blesse de manière psychologique ou physique quelqu’un.e. Quand on agresse, on dépasse les limites de l’autre. Dans le lexique, on a défini ce que c’est une oppression. Certaines agressions s’inscrivent dans un *système (*voir lexique) d’oppression (raciste, sexiste, classiste, validiste…). Elles peuvent être porteuses directes d’une oppression (ex: un.e blanche avec un comportement raciste envers un.e arabe) [histoire de varier les imaginaires d’oppression], ou symptomatiques de ce système (ex: une femme avec un comportement sexiste envers une autre femme). Ces agressions sont différentes parce que dans l’exemple proposé, lae blanc.he bénéficie directement du système et que par cette agression, iel contribue directement au maintien d’un système qui lui bénéficie. Une agression peut aussi être non oppressive, c’est à dire qu’elle ne se situe pas dans le cadre d’une oppression (ex: deux hommes blancs cis hétéros bourgeois valides qui s’insultent). 

Dans ce protocole, on a voulu prendre en compte les agressions, mais aussi les *micros agressions (*voir lexique). Souvent, il est plus difficile de bien capter ce qu’est une micro-agression. C’est une agression qui est facilement banalisée car perçue comme minime, mais elle participe à alimenter les comportement oppressifs et agressifs et à la reproduction d’un système de domination. Par exemple, cela peut être des mégenrages, des blagues racistes, sexistes, ect..

Comment éviter les micro-agressions? Il faut essayer de prendre en compte les différentes oppressions, et le fait que certaines actions/paroles qui semblent insignifiantes pour une personne peuvent blesser une autre. Si tu vois que la personne en face de toi est mal à l’aise, ou te dit d’arrêter: arrête toi. Prends le temps de réfléchir à pourquoi cette personne est mal à l’aise, documente toi, discutes-en, et arrête tes comportements oppressifs.

Dans les questions d’agressions et de micro agressions, la thématique du ressenti, du malaise face à un comportement est très importante. Récemment, le ressenti a été érigé comme limite sacro-sainte. Cependant, on pense important de questionner cette limite: nous ne voulons pas invalider les ressentis mais il est important de savoir aussi les questionner. Par exemple, un mec mal à l’aise devant des zones en non-mixité choisies, qui utiliserait son ressenti pour faire fermer les zones en non-mixité, c’est utiliser l’argument du ressenti comme argument d’autorité,c’est à dire un argument indicutable, qui clôt le débat. Les ressentis peuvent être des symptômes du système dans lequel on a grandi. Voir des comportements/actions sortir du système qui nous a façonné peut parfois nous rendre mal à l’aise. Dans ces cas là, il est important de questionner notre malaise: est-ce que je me sens mal à l’aise parce que je me sens heurté.e? Est-ce que ces actions sont des actions qui me blessent ou est ce que je me sens bizarre parce que ces actions sont hors norme, hors de mes habitudes, de mes cadres de pensée? Est ce que ce ressenti doit plutôt être géré de moi à moi, ou ai-je besoin de l’exprimer et d’être écouté.e? 

Comme dit plus haut, les ressentis peuvent être façonnés par des normes sociales. La question du ressenti est aussi intimement liée avec celle du validisme : certaines personnes handis ont des manières de réagir/penser différentes des valides. Pour inclure tout le monde, il est aussi important de savoir que nos actions ne provoquent pas les mêmes ressentis chez tout le monde. D’habitude, on calibre ce qu’on fait selon des normes sociales: par exemple on sait que faire la bise c’est un moyen de dire bonjour, et que chacun.e sait que faire la bise est un moyen de dire bonjour, on y a été habitué.es depuis tout.e.s petit.e.s. Mais en fait, peut être que des personnes vont détester faire la bise pour tout un tas de raison et réagir négativement à une bise de bonjour, et c’est important de prendre en compte que chacun.e peut réagir différemment à chaque action et d’essayer de sortir de notre vue normée des interactions.

Les ressentis, c’est une  question complexe qui doit être réfléchie en lien avec les *oppressions systémiques (*voir lexique) et notamment la question du validisme, pour ne pas avoir des ressentis érigés en ressentis sacro-saints, mais ne pas non plus ne pas prendre en compte les réactions personnelles face à certaines actions. Ils doivent être écoutés: des fois, il n’y a pas d’agression, mais un ressenti d’agression; et c’est aussi très important d’arriver à être présent.e.s dans ces cas là. Un ressenti d’agression peut être aussi violent pour une personne qu’une agression, et elle aura besoin d’écoute et de soutien.

Les phases de la gestion d’une agression

Il y a 4 phases dans la gestion d’une agression :

    L’avant : on sait d’où viennent les agressions, l’idée est d’essayer de traiter les problèmes sociaux à la racine plutôt que de devoir en gérer les conséquences. Liste non-exhaustive des trucs à essayer de faire exister au sein de collectifs :

        -La conscience de l’existance des oppressions systémiques

        -La conscience des symptomes de ces oppressions, sur soi et sur les autres

        -La conscience de la violences des agressions et des micro-agressions, du fait que cette violence est pas constante en fonction du rapport d’oppression, des ressentis personnels des personnes agressées.

        -L’empathie dans le groupe et la capacité à écouter, accepter les ressentis de l’autre

        -La capacité à gérer une agression en évitant au maximum la justice punitive.

    Le Pendant : si on est spectateur.ice d’une agression (ou qu’on a l’impression que c’est une agression sans être sur.e), il existe la règle des 5D :

        -Distraire : Engager une conversation avec la personne ciblée, détourner l’attention de lae harceleur.se.

        -Déléguer : Demander de l’aide, attirer l’attention pour faire réagir.

        -Diriger : demander à l’agresseur.se d’arrêter, intervenir, défendre la cible, demander de l’aide tout en évitant de se confronter directement à l’agresseur.se ou de s’exposer au danger. 

        -Dialoguer : dès que l’incident est terminé (et même si l’agresseur.se est toujours présent), faire le point calmement avec la personne agressée pour la rassurer (“Je peux m’asseoir à côté de toi ? Tu veux que je demande de l’aide ? Tu veux sortir d’ici ?”) Indiquer que l’attitude de l’agresseur.se n’était pas normale, agir comme un.e ami.e. Eviter de parler avec l’agresseur.se car la création d’un débat peut entraîner une possible escalade de la violence.  

        -Documenter : Si aucune intervention n’est possible (keuf, séparation physique, …), filmer, prendre des photos, au cas ou la personne survivant.e veuille accumuler des preuves.

    A l’annonce de l’agression : A partir de là, vous pouvez avancer sur la suite du protocole. Les premières étapes sont de sécuriser, d’écouter et de rendre le choix à la personne survivant.e. En même temps, l’idée est de séparer physiquement les personnes en jeu dans l’agression, et de sonder directement dans quelle posture est la personne agresseuse (écoute, déni, conflit, …).

    L’après : On entre dans la phase de gestion de l’agression.

Comment gérer un ressenti d’agression

Comme on l’a dit avant, tout ressenti est légitime, mais rendre le ressenti incontestable est une mauvaise idée pour gérer des agressions. Du coup, la question c’est comment on gère une personne qui

Déjà, la première chose c’est l’écoute. On écoute ce qu’il s’est passé, les émotions qui en ressortent, et on soutient la personne qui a ressenti un malaise, une blessure par rapport à ça. L’émotion et le ressenti sont incontestables, dans le sens qu’ils existent, et qu’ils veulent dire quelque chose.

Toujours dans l’écoute, on va essayer de savoir ce que la personne reproche à cellui qui l’a agressé.e. On essaye aussi de savoir ce qu’iel veut pour la gestion de cette histoire.

A noter que la première personne qui vient se plaindre n’est pas forcément LA victime de l’histoire. Déjà dans le sens où elle n’est pas forcément victime tout court dans l’histoire. Ensuite, dans le sens où ça ne se joue pas au premier qui parle. Mais aussi, dans le sens où y’a pas forcément qu’une personne victime dans l’histoire, que parfois les deux personnes sont victimes et agresseur.se, à des moments différents, à des intensités différentes.

Bref, une fois la/les personne(s) écoutée(s), la question c’est de savoir si il y a eu agression, ou si le ressenti vient d’un comportement qui n’est pas ciblé sur la personne qui en a parlé. (Exemple : Un.e blanc.he fait une blague raciste dans un groupe à majorité blanche, avec des personnes racisé.es. Si un.e blanc.he de ce groupe exprime son malaise, son choc, la violence qu’iel a subi, ça s’écoute. Mais c’est pas une agression sur la personne blanche, ça soulève juste un comportement de merde, qu’il faut gérer comme comportement de merde. Par contre, si une personne racisé.e dit s’être senti agressé.e dans cette histoire, là y’a agression. La blessure, le malaise, le choc vient directement d’une attaque, ciblée parce que racisme sur personne racisée, et peut-être non consciente mais y’a agression quand même.

Si y’a agression du coup, on vous laisse avancer sur les parties suivantes de « comment gérer une agression ».

Si y’a pas agression, alors l’idée c’est (pas dans l’ordre chronologique, au feeling):

    -De faire comprendre à la personne que c’est pas elle la personne agressé.e dans l’histoire même si son ressenti est grave légitime. (un.e  blanc.he peut grave être malaisé.e, voir ses limites dépassées par un truc raciste, parce que le racisme c’est hardcore. Donc faut gérer le comportement, sans placer la personne blanc.he choqué.e comme personne survivante) (et les choses sont évidemment jamais si simples, parce que y’a des vécus partagés dans les questions d’oppression, donc y’a des rappels, des souvenirs traumatiques etc… si la personne blanc.he est choquée parce que ça lui rappelle des agressions qu’iel subit en tant que trans, handi, gay, …, ça s’écoute différement)

    -De prendre soin émotionnelement de la personne. L’idée c’est pas d’éviter l’émotion, de l’apaiser, de la silencier. C’est de la gérer, donc d’en parler, de l’affronter, de la sortir, d’empouvoirer la personne par rapport à ça. (Dans notre exemple, rendre la personne blanc.he en capacité de dire « c’est de la merde ce que tu dis, ca m’énerve ». On essaye d’éviter de tout garder pour soi, ou d’attendre que la personne soit exclue parce que pas suffisamment safe)

    -De comprendre le malaise de la personne, et de gérer les comportements qui ont été problématiques (avec ellui dans l’idéal). Ca peut être discuter avec la personne qui a été agressive, lui mettre un coup de pression, l’ignorer, n’importe.

    -De ne pas en faire un ragot qui va potentiellement tourner, être déformé, et finir par être transformé en agression.

    -Si vraiment le ressenti est abusé (genre un mec cis het qui se sent agressé parce qu’on lui demande son pronom, un.e blanche qui dit qu’ielle subit du racisme anti-blanc), y’a aussi évidément possibilité d’envoyer bouler.

    -Encore et toujours, c’est du cas par cas, prenez ce que vous voulez / avez besoin, et faites au feeling avec la/les personne à qui vous parlez.

Quel rôle pour la communauté

Ici on considère que la personne agresseuse est désireuse de réfléchir sur son action et reconnait qu’elle a mal agi. Si ce n’est pas le cas, il sera peut être difficile, épuisant et vain d’insister, on peut essayer, mais si la personne ne montre aucune bonne volonté, peut-être est-il mieux de ne pas s’acharner pour se préserver. Tant qu’elle ne sera pas dans une bonne disposition, elle ne fera que perpétrer des violences. Il est possible qu’elle est besoin de temps. 

Alors, lorsqu’une agression a lieu, il y a plusieurs personnes concernées  : il y a la personne qui commet une agression et celle qui est victime de cette agression, il y a aussi l’entourage de ces personnes à qui il est possible de se confier, qui soutiennent et accompagnent la personne agressée et la personne agresseuse. Souvent, ce sont les acteurices principaux de l’agression et de sa gestion.

Lorsqu’une agression a lieu en milieu militant, c’est tout le groupe militant qui se trouve concerné. Evidemment, tous et toutes ne sont pas forcément proches des personnes concernées mais il est tout de même possible de penser une gestion collective des agressions; cela peut même être bénéfique.

S’emparer collectivement de cela c’est introduire du politique là où on tend habituellement principalement  à voir des manquements, des offenses et des souffrances individuelles. Or, des comportements oppressifs sont bien souvent causés par quelque chose. Il peut être intéressant de débusquer ce quelque chose ensemble.

Qu’est-ce qu’une gestion collective des agressions ? Lorsqu’une agression a lieu, quel rôle la commu joue-t-elle ?

Avoir une gestion collective des agressions, c’est d’abord mettre en place un soutien qui soit collectif. La personne ayant subi une agression sait qu’elle peut trouver une oreille attentive et qu’elle peut compter sur le groupe. Il est important que, toujours, la parole de la personne agressée soit écoutée et entendue, qu’on respecte son vécu. Le rôle de la commu est avant tout un rôle de soutien et de vigilance. ( Ca se fait sur le long terme, l’objectif est d’être un collectif fort, vigilant et bienveillant).

Les personnes qui consituent la communauté doivent se garder de répandre des rumeurs. Les ragots ne servant aucunement la gestion des agressions.

Le groupe est là pour soutenir et non desservir. Il peut aussi être un soutien pour les personnes qui soutiennent, parce que gérer une agression ça peut être très prenant et le groupe peut aussi permettre de soulager les personnes impliquées. Une gestion collective permet de répartir le travail que cela représente. C’est souvent un engagement émotionnel fort pour les personnes qui la gèrent et parfois, ces personnes qui sont des soutiens, ont-elles-mêmes besoin de soutien, de conseils. Bien-sûr, ça demande un peu de subtilité de gérer une agression lorsque l’on n’est pas hyper proches des personnes concernées.

Une gestion collective des agressions c’est aussi une occasion de réfléchir avec et pour la communauté. 

Si on s’empare collectivement des agressions c’est aussi pour mettre en place des réflexes qui, on l’espère, pourront à l’avenir nous prémunir des agressions. Peut-être que si les récits s’imprègnent en nous et qu’on les questionne, alors les comportements deviendront  moins oppressifs. Des réflexes concernant la gestion-même des agressions peuvent aussi se mettre en place. Ces réflexes seront utiles lorsqu’une autre agression aura lieu.

L’idée c’est aussi que la commu puisse accompagner la personne qui a commis une agression. L’aider c’est aussi aider la communauté elle-même. Il est aisé de porter un regard jugeant sur l’évènement et la personne qui a commis l’agression. Et il est effectivement nécessaire de questionner l’évènement mais ce regard jugeant peut aussi être problématique.  Une personne qui juge une personne qui a commis une agression se place au-dessus d’elle et ainsi la rejete, or, en se placant en situation de domination sur cette personne, la communication se rompt alors qu’il peut être bénéfique  d’échanger avec la dite personne. Cela peut lui permettre de lui ouvrir une reflexion et une compréhension de ses actes pour  qu’à l’avenir elle soit plus vigilante. 

Juger l’agresseur ou l’agresseuse c’est aussi oublier que cette personne, ça aurait pu être nous, ou une personne qui nous est proche, alors travailler avec l’agresseurse c’est aussi réfléchir pour soi, pour s’assurer qu’on ne sera pas dans cette situation et que cette situation ne se représentera plus, on l’espère, au sein de la communauté.

Soutenir une personne survivante d’agression

ON SECURISE, ON ECOUTE, ON LAISSE LE CHOIX, ON SOUTIENT.

(Résumé de la brochure Soutenir un.e survivant.e d’agression sexuelle, à trouver dans l’infokiosque en complet. Il y a des modifications pour élargir le protocole à toutes les agressions, mais pour des enjeux d’agression sexuelle, la brochure est bien plus précise et carrée. Ce protocole marche aussi avec les micro-agressions, mais demande adaptation parce que des points sont spécifiques à des agressions traumatiques ou d’une violence extrême. TW la brochure a des tendances transphobes sur certains aspects)

PRÉCISIONS

Rien de tout ça ne constitue une recette magique. Croyez en vous ; croyez en votre ami-e. Prenez conscience que l’agression est liée aux problèmes du pouvoir, de l’oppression et du contrôle et que le soutien doit donc se faire en donnant, aimant et partageant. Ce ne sera pas facile, mais avec le temps, vous et votre ami-e grandirez et apprendrez plus que vous ne pouvez l’imaginer. Considérez ce document comme une aide qui peut vous guider au cours de ce processus, mais sachez que vous pouvez avoir à constituer votre propre liste de choses à faire.

Principe n°1 : LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ D’ABORD

Assurez-vous que la personne que vous soutenez ne soit pas en danger. Si elle l’est, essayez de trouver comment vous pouvez l’aider à en sortir. Protéger sa vie est votre priorité.

Une fois que sa sécurité est assurée (au moins à ce moment-là), essayez de voir si elle a des besoins physiques ou psychologiques dont on doit s’occuper.

Il se peut qu’il n’y ait rien que vous puissiez faire pour assurer la sécurité ou le bien-être de la personne. Dans ce cas, continuez d’essayer de voir comment vous pouvez soutenir la personne et l’encourager à trouver un endroit sur.

Principe n°2 : RESTITUER LE CHOIX

Afin d’aider une personne à aller mieux, vous devez immédiatement lui permettre de faire des choix pour elle-même. Est-ce qu’elle veut s’asseoir ? Être debout ? Soda ? Jus d’orange ? Eau ? Même les choix les plus anodins doivent immédiatement lui appartenir. Ceci participe à rendre un peu du pouvoir qui a été volé par la personne aggresseuse : une agression, c’est une violence, et c’est un dépassement de limite. Le même principe est vrai pour des choix plus larges et importants. Veux-tu aller te faire ausculter à l’hôpital ? (attention aux enjeux spécifiques) etc… Ces décisions peuvent être particulièrement difficiles à prendre, alors soyez patient-e et aidez la personne que vous soutenez à voir ce qu’implique exactement ces choix. Cependant, la personne doit avoir le pouvoir de prendre les décisions qu’elle veut, même si ce ne sont pas celles que vous auriez prises.

Faîtes attention aux questions très larges, aux questions ouvertes (comme « Qu’est-ce que tu veux faire ? »). Il se peut que vous ayez à proposer ou suggérer des choix qui aident la personne à récupérer de son propre pouvoir. Même le fait de faire des choix simples peut-être difficile. Vous devez comprendre cela. Parfois ces choix peuvent donner un grand sentiment de pouvoir, parfois c’est tout le contraire.

Ces choix incluent bien sûr les marques d’affection ou de réconfort physiques. Ne présupposez-pas que prendre la personne dans les bras est approprié. Ne présupposez pas qu’être proche physiquement va aider. Demandez et laissez vous guidez.

Principe n°3 : CROIRE !

Être cru-e est visiblement le facteur principal d’un processus « d’aller mieux » sain pour un-e survivant-e. Même avec un-e allié-e qui le/la croit, beaucoup de survivant-e-s passent leur vie à se débattre autour de ce qu’ille aurait pu faire pour empêcher ce que quelqu’un d’autre leur a fait. C’est votre travail de lui assurer qu’ille a fait ce qu’ille avait à faire pour survivre. Notre culture n’affirmera pas cela, et ainsi faisant, ne la croira pas.

Principe n°4 : SE TAIRE ET SE LAISSER GUIDER

Si vous commencez à parler beaucoup lors de vos discussions, il y a de fortes chances que vous disiez des choses qui ne vont pas aider. Cela peut sembler dur, mais c’est malheureusement vrai, même si vous avez subi la même chose. En gardant le silence et en laissant votre ami-e parler, vous vous empêchez d’ajouter à la conversation des éléments qui n’y ont pas leur place.

Encore plus important, en gardant le silence, vous laissez l’espace au/à la survivant-e qui lui permet de retrouver la possibilité de s’exprimer. L’agression réduit au silence, l’agresseur n’a pas écouté. Vous le pouvez.

Ne jugez pas les moyens d’expression qui brisent le silence. La personne peut avoir besoin d’exploser de rage, de pleurer, elle peut avoir besoin d’écrire, de nettoyer la maison de fond en comble. Elle peut avoir besoin de faire n’importe quoi d’autre que de penser ou parler de ce qu’elle a traversé. Il y a un nombre illimité de réactions possibles et elles méritent toutes d’être respectées et soutenues. Sauf peut-être dans les cas de menace de suicide ou d’autres comportements auto-destructeurs.

Principe n°5 : PAS DE VIOLENCE SUPPLÉMENTAIRE SANS DEMANDE (et si demande, faut réflechir)

Est-ce que la douleur de la personne qui écoute fera que celle du/de la survivant-e disparaisse ? Est-ce que le/la survivant-e a besoin d’essayer de calmer une autre personne violente qui pête les plombs ? Probablement pas.

Si des personnes opprimé.es par ce type d’agression décident de réagir collectivement, à la demande de la personne survivante, c’est leur décision. Si iels décident de faire appel à la violence et/ou demandent le soutien d’allié.es, c’est leur décision. Aux allié.es qui soutienne un-e survivant-e : il est absolument essentiel de mettre de côté vos désirs de gratification et de ne pas maintenir des spirales de violence.

Par rapport aux violences demandées par la personne survivante, il faut quand même y réflechir. L’idée ici c’est d’éviter la justice punitive, parce qu’on sait qu’elle est pas fonctionnelle dans pas mal de cas. La violence peut faire du bien, peut empouvoirer, peut libérer. Elle peut aussi couper toute communication, toute évolution de la personne qui a agressé, ce qui peut empecher de répondre aux besoins de lae survivant.e. 

Les besoins pour mieux-être de la personne survivante sont souvent : la sécurité (être protégé.e  ou se proteger d’autres agressions) / la reconnaissance (de l’agression, des limites dépassées, de la personne qui a été agressée et de ses émotions) / la réparation (réparer ce qui a été fait, soutenir lae survivant.e dans des besoins) / la non-reproduction (éducation pour que la personne agresseuse ne reproduise plus ses comportements) / la vengeance (faire subir à l’agresseur.se ce que la personne survivante a subit). Le maintien de la spirale de violence, et la justice punitive peuvent répondre à un besoin de vengeance, parfois de sécurité et de non-reproduction : ce n’est pas suffisant.

Spécifiquement aux hommes cis dans des cas d’agressions sexuelles par un homme cis : ce n’est pas votre égo qui est attaqué, ce n’est pas quelque chose qui vous appartient qui a été agressé. Ce n’est pas de votre responsabilité et de votre choix de devenir le protecteur. Ce n’est pas un moment pour prouver que vous êtes un bon mec cis face aux mauvais mecs cis. Rangez votre égo, et suivez ce que les concerné.es vous disent.

Principe n°6 : CONNAÎTRE SES LIMITES

Vous ne pouvez pas sauver tout le monde. Un-e survivant-e peut seulement se remettre en point au niveau qui lui est possible à un moment donné. Si une personne que vous aimez a été agressée, il faut que vous réalisiez que, d’une certaine façon, vous êtes également affecté-e. 

Assurez-vous de trouver du soutien pour vous aussi. Beaucoup conseillent même d’être suivi psychologiquement ou de suivre une thérapie de groupe quand on soutien quelqu’un-e qui s’est fait agresser.

Encouragez (en faisant attention) la personne que vous soutenez à élargir son réseau de soutien. De nombreuses personnes trouvent beaucoup de réconfort dans des groupes de soutien composés de personnes qui vivent ou ont vécu la même chose ou dans une variété d’autres formes de soutien.

Vous ferez des erreurs lors de ce processus. Ne vous flagellez pas, ne disparaissez pas parce que vous n’êtes pas parfait-e. Vous ne le serez pas. Agissez avec sensibilité et intégrité.

Faites attention à vous. Vous n’êtes d’aucune aide au/à la survivant-e si vous vous tuez à la tâche.

Principe 7 : RESTER IMPLIQUÉ-E ET RESTER FLEXIBLE

Se remettre d’une agression ne se fera pas nécessairement en une journée. Cela signifie qu’il y aura des hauts et des bas, des bonnes périodes et des périodes difficiles. Un-e survivant-e peut passer par beaucoup de ces phases au cours d’une seule journée. Votre présence et votre stabilité tout au long de ces transitions est fondamentale.

Le processus d’ « aller mieux » de chaque personne est différent. N’abandonnez pas quelqu’un-e s’il semble que les choses ne vont pas s’améliorer tout de suite. Essayez autre chose. L’impact positif que vous aurez/pouvez avoir est plus important que ce que vous pensez. Ne vous éloignez pas et ajustez le mode de soutien que vous apportez quand il devient clair que vous en avez besoin.

Principe n°8 : IL NE S’AGIT PAS DE VOUS 

Même si vous êtes vous même un-e survivant-e, dans cette situation il ne s’agit pas de vous. Il arrive souvent que quand des gens offrent leur soutien à des proches, illes se retrouvent à essayer de régler leurs propres problèmes que ce soit avec, ou indirectement, par la personne qui a été violentée.

Si (en particulier si vous êtes vous-même un-e survivant-e) vous n’arrivez pas à mettre de côté vos propres préoccupations afin de soutenir cet-te individu-e, soyez honnête vis à vis de ça. N’essayer pas de soutenir quelqu’un-e si ce n’est pas quelque chose dont vous êtes réellement capable. Continuez à vous guérir et travaillez à aider la personne que vous aimez à trouver d’autres personnes qui sont plus capables de l’aider pour l’instant.

Une façon de contrôler cela est de faire attention à ce que vous dîtes et à comment vous vous comportez. Réfléchissez à ce que vous faîtes et à pourquoi vous le faîtes avant de le faire. Réfléchissez à pourquoi vous voulez dire ce que vous voulez dire. Assurez-vous qu’il ne s’agit pas d’un besoin que vous avez, peu importe à quel point vous pensez qu’il est légitime.

Principe n°9 : TRAVAILLER POUR COMPRENDRE LE PROCESSUS DE SURVIE

Des phénomènes peuvent littéralement faire revivre l’agression au/à la survivant-e. Faîtes attention lorsque ces situations se produisent et faîtes ce que vous pouvez pour éliminer votre participation à celles-ci quand vous êtes auprès de la personne que vous soutenez. Quand vous voyez ce comportements chez des ami-e-s, qui ne sont pas à votre connaissance des survivant-e-s, procédez avec prudence et comprenez que ces personnes sont probabalement en train de revivre leurs propres agressions.

Documentez vous sur les agressions et la psychologie du processus de survie. Comprenez les implications à long terme et travaillez à aider la personne que vous aimez à guérir.

Spécifiquement dans les cas d’agressions sexuelles :

Si vous êtes le/la partenaire sexuelle d’un-e survivant-e, que vous ayez été leur partenaire avant, pendant ou après le moment de l’agression, faites particulièrement attention lors de vos rapports sexuels. Parfois, la personne ne voudra pas avoir de rapports physiques qu’ils soient sexuels ou même juste affectueux. D’autres fois, l’activité sexuelle lui permettra de retrouver beaucoup de pouvoir. Soyez patient-e et permettez-lui de fixer le rythme et le type d’activités dans lesquelles vous vous engagez. Soyez conscient-e-s que des actions en apparence anodines peuvent faire vriller le/la survivant-e.

Les conditions d’un call out

Derrière le terme du « call out » vient la volonté de dénoncer de façon publique un comportement qui aurait pu être jugé comme problématique. Le but, pour beaucoup de personne s’emparant de ce moyen de dénonciation publique, est notamment de faire en sorte que la personne agresseur.se soit « effacée » ou « évincée » du milieu dans lequel le call out est effectué. Voici une liste d’outils pour reflechir au mieux si l’utilisation du call out est judicieuse au vue de la situation. A noter que si le choix du call out est fait, ce protocole ne vous sera utile que dans la gestion de lae survivant.e.

Souvent la décision d’évincer une personne ou non repose sur des liens affinitaires. C’est humain mais il faut se dire que être ami.e avec l’agresseur.se, l’apprécier ou pas, ne constitue pas une raison suffisante pour juger la situation. D’autres éléments sont à prendre en compte :

Reconciliation 

(La personne accusée reste dans le groupe) 

– La personne faisant les accusations veut la reconciliation

– Le préjudice causé est relativement mineure

– Le préjudice est causé par une erreur de judgement

– Le préjudice est causé par ignorance

– La personne accusée est connue pour avoir elle-même vécu des difficultés ou des abus (iels sont aussi des survivant.e.s) 

– La personne accusée dénie les accusations et est crue

– La personne accusée exprime des remords

 

Expulsion 

 

– La personne faisant les accusations veut que la personne acusée parte – Le préjudice causé est servère 

– Il y a un modèle d’abus 

– L’accusé.e n’est pas réacti/f/ve au dialogue

– La personne agresseur.se semble avoir été conscient.e qu’iel était en train de dépasser des limites

– La personne accusée dénie les accusations et n’est pas crue 

– La personne accusée n’exprime pas de sincères remords

Gérer une personne agresseur.se

Tout d’abord, il est important de faire un rappel sur le fait que l’on peut être toustes agresseur.se. 

Le but de ce protocole n’est pas de condamner définitivement un.e agresseur.se et de lae classer dans la case de « monstre ». C’est de donner les clés pour pouvoir évoluer sur les agressions/micro agressions qui ont pu être faites et pour pouvoir éviter qu’elles se reproduisent.

En effet, ne pas prendre de temps particulier envers l’agresseur.se représente le risque que cellui-ci puisse reproduire un comportement agressif (et/ou oppressif) sans le savoir. Ou, sans avoir prit conscience que cela peut représenter une agression. Ainsi, gérer une personne agresseur.se dans une situation d’agression c’est aussi mettre tout en place pour pouvoir éviter que la situation se reproduise. C’est aussi éviter que la situation s’empire, chose que nous voulons à tout prix éviter; d’où l’intérêt de ce protocole.

Il est évident que la place de la communauté dans la gestion de la personne agresseur.se est très importante, car elle va définir la manière dont l’agression va être perçue et prise au sérieux.

Tout d’abord (comme visible dans la partie sur le rôle de la communauté), il est important au sein de la gestion d’une agression que la communauté se sépare afin de pouvoir mieux gérer l’agression en elle même auprès de lae survivant.e et de lae agresseur.se. 

Il faudra savoir qui va se charger de faire lae médiateurise entre les deux personnes (si le besoin se fait ressentir), qui va gérer lae survivant.e et qui va gérer lae agresseur.se. 

Le travail de gestion de l’agresseur.se est surtout un travail d’accompagnement et d’instauration du dialogue avec cellui-ci (nottament pour que iel puisse prendre conscience de la situation et que iel puisse agir en fonction).

L’intérêt premier en tant que médiateurise en contact direct avec lae agresseur.se est aussi de faire en sorte que la séparation physique se fasse entre la personne qui a subit l’agression et la personne qui l’a commise si un besoin se fait formuler. Cela met en lumière l’importance de la communication entre les différents médiateurises. 

Auto-gestion de l’agresseureuse

Comme on l’a dit au cours de ce protocole, on est toustes des agresseur.euses à un moment donné. On a toustes déjà dépassé le consentement d’une personne en face de nous. C’est  pour ça qu’il est important que chacun.e s’autogère: la commu ne peut pas te prendre en charge tout le temps, les gens ont aussi une énergie limitée. Prends toi en charge et commence/fais le taff seul.e. 

1) Si une personne te dit que tu as agressé, alors écoute là. Prends sur toi. Ne rejettes pas en bloc son témoignage: dans tous les cas, tu as agressé, comme chacun.e d’entre nous l’a fait à un moment de sa vie. Ce geste ne te définit pas, mais ta réaction face à cela si, car tu peux penser ta réaction, la réfléchir, prendre du temps pour bien réagir. 

2) Tu dois te remettre en question. Renseigne toi, écoute, laisse la place. Ne dépossède pas lae surivant.e de son vécu, c’est une agression qu’iel à vécu; c’est la personne qui parlera le mieux de son propre ressenti. Accepte d’avoir agressé même si tu ne le comprends pas, un.e survivant.e est légitime dans la violence qu’iel à ressenti, ton travail est de l’accepter et de ne pas le remettre en doute. Si tu n’as pas vécu l’action comme une agression dont tu étais l’auteur.ice, cela ne veut pas dire que la personne en face de toi ne s’est pas faite agressée, ni qu’elle n’a pas de ressenti d’agression. 

Oui ton égo est heurté, oui ça fait mal  d’apprendre qu’on a agressé si l’on ne s’en est pas forcément rendu compte. Mais en vrai, cette  douleur est si inférieure à celle de la personne qui a subi l’agression: laisse lui la place, ne prends pas tout l’espace avec ta douleur. Tu n’es pas un monstre, tu vis dans un système violent, mais c’est de ta responsabilité de comprendre et bosser sur toi pour reproduire le moins possible cette violence.

3) Dans ta manière de t’exprimer aussi, reconnais ce que tu as fait. Des excuses suivies d’un « Mais » et d’une longue explication du pourquoi du comment tu en es arrivé à agresser, c’est irrespectueux pour la personne en face, parce que tu recentres le focus sur toi. Peut-être que tu pourras exprimer cela plus tard, après avoir laissé son espace à lae survivant.e. ( Mais bien sur le contexte est important: analyse-le, comprends le, pour ne pas reproduire ce que tu as fait.) Un « je suis désolé.e si …. » ne fonctionne pas non plus car il invalide ce qui s’est passé. Le mot « Si » remet en doute la parole de la victime.

Accepte ce qu’elle te dit.

4) Demande pardon. Ne force pas pour recevoir le pardon de lae survivant.e, mais expirme tes remords, quand tu es désolé, et une fois que tu as compris ce que tu as fait

5) Tu peux chercher de l’aide. C’est difficile de se remettre en question seul.e. Demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse, mais fais attention à ne pas saturer les réseaux d’aide. Garde en tête que la personne agressée est peut être en train de chercher de l’aide dans ces mêmes réseaux et qu’elle n’a peut être pas envie de te croiser.

En somme, garde toujours en tête que la personne la plus blessée dans l’histoire est lae survivant.e et que tu dois respecter ses besoins et demandes, tout en bossant sur comment faire en sorte que ton comportement ne se reproduise plus.

(biblio: texte Nous sommes toutEs des survivantEs, nous sommes toutEs des agresseureuses, traduit par le réseau CROUTE https://infokiosques.net/lire.php?id_article=1176)

AMORCER UNE COMMUNICATION PERTINENTE AVEC L’AGRESSEUR.SE

Faire comprendre à l’agresseur.se que si tu es là pour instaurer un dialogue avec ellui c’est parce qu’il n’y a pas de volonté de condamnation irréversible vis à vis des faits qui lui sont reprochés. Il n’y a pas de « bonne » façon d’aborder un.e agresseur.se afin d’instaurer un dialogue, mais certaines reflexions sont possibles afin d’aborder au mieux cette étape de la communication. 

Est ce que j’ai une position adaptée vis à vis de la situation, compte tenu de mon (possible) relationnel avec lae survivante ou avec l’agresseur.se ? 

Est ce que ma manière de communiquer habituellement avec cette personne (qui dans cette situation se retrouve être agresseur.se) est adaptée et pertinente vis à vis de la situation ?

Il y a là un enjeux particulier dans le choix de l’approche de l’agresseur.se (possibilité de dialogue entre certaines personnes plutôt que d’autre; l’intérêt est de jouer avec les outils de communication divers qui sont disponibles à l’instant T de la gestion de l’agression).

FAIRE COMPRENDRE LA RESPONSABILITE DE SES ACTIONS

Il est probable que l’agresseur.se ne se rende pas compte des actions ou du manque d’action qui ont été commises. L’objectif de la personne qui gère l’agresseur.se est de servir de rappel des actions qui ont été faites et de lae mettre face à ses propres responsabilités. Faire en sorte que la faute ne soit pas reportée sur lae survivant.e est une des responsabilité du dialogue à établir avec lae agresseur.se.

C’est dans l’intérêt de l’agresseur.se de prendre conscience de ses propres actions pour pouvoir éviter de les reproduire en méconnaissance de cause. Reconnaître ce qui s’est passé est la première étape face à une situation d’agression; chose qui peut se trouver être difficile lorsque l’agresseur.se refuse tout dialogue et est sur la défensive. D’où l’intérêt de faire un choix judicieux parmis les personnes qui vont venir gérer l’agresseur.se : réussir à établir un dialogue qui peut s’apparenter à un dialogue de reproche n’est pas chose facile. 

FAIRE COMPRENDRE QUE LE RESSENTI DE LA PERSONNE QUI A ETE AGRESSEE EST LEGITIME

L’idée est de faire en sorte qu’il n’y ait pas de négation du ressenti de la personne agressée et qu’il y ait une écoute du ressenti du/de la concerné.e. On évite la remise en question des choses qui sont reprochées à l’agresseur.se tout comme le ressenti de la personne qui a subi l’agression. Ici, mettre l’agresseur.se face à la violence de son agression sur lae survivant.e est primordial. En effet, l’un des outils de protection des agresseur.se dans la gestion d’un reproche est notament la non prise de conscience et la dépossession du ressenti de la personne victime. Le but est d’empouvoirer lae survivant.e même auprès de l’agresseur.se en rendant les accusations cellui-ci légitimes.

INSTAURER UN DIALOGUE SUR LE PLACEMENT DES DYNAMIQUES D’OPPRESSIONS

Bien que la communication avec l’agresseur.se puisse se faire, rien ne nous garanti qu’il y a derrière une compréhension des dynamiques d’oppressions (si il y en a) de la part de cellui-ci. En tant que personne instaurateurice du dialogue avec l’agresseur.se, un rappel sur les dynamiques d’oppressions est important puisque cela peut permettre d’aborder des pistes de reflexions sur la raison de l’agression. 

Inclure et replacer un.e agresseur.se dans sa condition sociale peut permettre à cellui-ci de : 

  1. Comprendre une réaction qui n’aurait pas été maîtrisée
  2. Éviter de se défiler face à ses propres actions 
  3. Forcer cellui-ci à se retrouver face à sa propre position de domination

TROUVER UN MOYEN DE DOCUMENTER/INFORMER L’AGRESSEUR.SE

Il est possible que l’agresseur.se se ne comprenne pas la situation de l’agression commise pour cause de manque d’information et de ressources. Dans le cas où l’agression ou micro-agression proviendrait de l’ignorance ou d’une erreur de judgement, la documentation est primordiale car elle peut régler une partie du problème de gestion de l’agression. Elle peut aussi participer positivement dans la non reproduction d’agression de type oppressive. 

Il est probable qu’en tant que personne qui instaure le dialogue avec l’agresseur.se tu n’aies pas toutes les ressources nécessaires en ta posession. Pas de problème : une de tes missions serait de rediriger lae agresseur.se vers des ressources de documentation et d’information pertinentes selon la situation. 

  • Petit rappel : ce n’est pas le travail de la personne qui s’est faite agressé.e d’aider à l’éducation de l’agresseur.se, à donc éviter de rediriger cellui-ci vers la personne qui a subit son manque d’information (sauf si c’est une demande particulière de lae survivant.e).
  • Petit rappel numéro 2 : ce n’est pas le travail référent des personnes oppressées d’éduquer les oppresseur.se.s. En tant que personne qui instaure le dialogue et donne les ressources nécessaires à l’agresseur.se, tu peux te renseigner auprès des personnes concerné.e.s (si tu n’es pas sur.e de tes documentations) pour trouver des ressources particulières mais ne relègue pas le travail à ces personnes qui ont déjà beaucoup à faire.

    Conclusion

    La gestion a un gros impact sur la reconstruction de lae survivant.es, sur le changement de l’agresseur.se, sur la commu et sa manière de sociabiliser. C’est pour cette raison qu’on estime qu’il était nécessaire de faire un protocole à la fois complet et accessible. On rappelle que ce protocole est à adapter à chaque situation, que tout ne marchera pas. On rappelle aussi qu’il est pas définitif, qu’on va continuer à le travailler, à le modifier. Mais on pense qu’avoir cet outil pourra permettre de gérer moins mal nos bails, parce qu’on sait qu’on a toustes galéré.es au moins une fois à faire les choses bien, et qu’on aurait espéré avoir un outil !

On espère, si vous avez le malheur de revivre une agression de près ou de loin, que ça vous sera utile. Bon courage !

Annexe 1 : Lexique

        Oppression: Action de maintien de la domination systémique, qui renvoie une personne à son statut social (genre, classe, race, handicap, …) pour l’exploiter. L’opression se fait par des mécanismes de violence, d’objectivation (rendre la personne objet, outil), de dévaluation (dénigrer, rabaisser la personne). 

        Domination systémique: Rapport de supériorité dans une hiérarchie. La hiérarchie est posée par des normes sociales. Permet à des personnes, à des groupes, de prendre l’ascendant sur d’autres par leur appartenance sociale (blanc, bourgeois,homme cisgenre hétéro)

        Exploitation : utilisation de la force de travail et objectivication des groupes opprimés.

        Systémique: Vision des actes/gens comme symptome d’un fonctionnement social plutôt que d’un choix individuel. Exemple : les contrôles au faciès des policiers relève d’un système raciste.

        Survivant.e/ personne survivante: (* à préciser en intro, question pratique): personne ayant été victime/ ayant subi  une agression: Ce mot a pour but de rendre du pouvoir a la personne, de dire qu’iel a survecu a l’agression. Libre à chacun.e de s’appeler comme iel veut, on a choisi ce mot.

        Agression: Action consciente ou non, qui blesse de manière psychologique ou physique et/ou qui dépasse/ne respecte pas les limites de quelqu’un.e.

        Micro agression: Agression qui n’est souvent pas perçue comme telle, souvent banalisée, définie comme mineure. Action qui alimente les comportement agressif et oppressif. Participe de la reproduction d’un système de domination. (Exemple : Blague sexiste, raciste, mégenrage…)

        consentement : émettre un accord sans contrainte (pression, violence psychologique ou physique), lucide (pas de choses qui puissent altérer la décision). Peut-être verbal ou non. Ce qui est un non consentement peut être quelque chose de non dit, non exprimé.

        call out : Appel public/ Volonté d’afficher publiquement une personne pour des choses faites/dites, et de l’exclure.

Annexe 2 : spécificité agressions sexuelles par rapport au système d’oppression subit (extrait modifié d’un article dont on a plus le nom)

Une personne sexisé.e qui est agressée est sujette aux notions cisheterosexistes portées par notre société sur les personnes sexisé.es et la sexualité. Si une personne sexisé.e est active sexuellement, alors c’est une « trainée ». Si les gens continuent à voir le viol comme un acte sexuel ; les survivantes seront alors par conséquent taxées de « trainées ». On l’a tou-te-s entendu. « Elle a eu ce qu’elle méritait . » ; « Qu’est-ce qu’elle faisait dans sa chambre de toute façon ? Elle devait bien le vouloir. » ; « A quoi elle s’attendait en sortant habillée comme ça ? ». Il n’y a rien qu’une personne sexisée ait pu faire qui puisse justifier qu’on lae viole. Ceci mérite d’être répété : il n’y a rien qu’une femme, un homme, un-e trans, ou un-e enfant n’aie pu faire qui puisse justifier qu’on l’a viole.

A cause des stéréotypes racistes, les personnes racisées sont sujettes à cette dynamique d’une façon particulièrement violente. Les corps des femmes et minorités de genre racisé.es sont vus comme exotiques, sexuels par nature et même comme des territoires dangereux qui doivent être contrôlés. Dans le cas d’agression sexuelles sur des femmes et minorités des genre racisé.es, le « elle l’a bien cherché » résonne fortement, même au sein des communautés ethniques ou culturelles minorisées. Ceci doit être attaqué.

Un homme qui se fait agressé est sujet aux notions sexistes et homophobes portées par notre société sur les hommes et la sexualité. Puisqu’un homme est toujours censé être dominant, un homme qui se fait violé n’est sûrement pas un « vrai » homme. Sa douleur est quelque chose dont il doit avoir honte car sinon il sera taxé d’ « homo » ou de « féminin » et notre culture nous dit que ces deux identités sont inacceptables pour des hommes. Les hommes qui survivent à des viols en prison doivent faire face à cela en plus de la vision de la société qu’il a eu « ce qu’il méritait ». Tout cela contribuera à son silence.

Notre culture homophobe enseigne aux hommes hétéros à détester être confrontés à la sexualité d’hommes gay, bi ou queer, car elle déclenche leur propre peur d’être eux-mêmes gay, ou pas des « vrais » hommes. Ces peurs conduisent au viol homophobe d’hommes et femmes homo/bi/queer et au viol transphobe de personnes que l’on découvre être trans ou présume être homo/bi/queer car illes ne peuvent pas être facilement catégorisé-e-s comme « homme » ou « femme ». Un viol est un viol, et ses survivant-e-s doivent être cru-e-s et soutenu-e-s. Les survivant-e-s trans doivent souvent faire face à la double difficulté d’avoir à prouver non seulement ce qui s’est passé mais également qui illes sont. Leurs papiers d’identité ne reflètent souvent pas le nom ou le genre choisis par des personnes trans. Ceci crée encore plus de silence et de vulnérabilité face à la police, aux hôpitaux et aux différents organismes. Ne remettez jamais en question l’identité de genre d’une personne trans.

A cause de l’homophobie mentionnée plus haut, il y a beaucoup de silence autour des agressions sexuelles qui se produisent au sein des communautés LGBTQ. Tout comme les communautés ethniques minorisées, elles subissent des attaques de l’extérieur en permanence. Les personnes LGBTQ, les personnes racisées et d’autant plus les personnes LGBTQ racisées peuvent être encore plus poussées au silence par la pression au sein même de leurs communautés, pour éviter d’exposer son linge sale publiquement ou pour se protéger des menaces extérieures. Les pressions venant de l’intérieur comme de l’extérieur qui créent ce silence et font que les gens ne sont pas cru-e-s doivent être combattues.

Il y a un mythe culturel énorme autour des fausses accusations d’agression sexuelle et de viol. Historiquement, et encore aujourd’hui, les fausses accusations étaient/sont utilisées comme tactique raciste pour justifier le lynchage d’hommes racisés (en particulier d’hommes noirs) aux Etats-Unis. Il est nécessaire d’étudier, de comprendre et de prendre ce phénomène au sérieux. Selon la plupart des organismes légaux, le pourcentage de fausses accusations de viol aujourd’hui est égal, voire inférieur, au pourcentage de fausses accusations pour tous les autres crimes. Ce mythe est une tactique pour réduire les femmes au silence (en particulier les femmes racisées), les hommes gay/bi/queer, les personnes trans et tou-te-s les autres survivant-e-s.

Le fait que vous croyiez un-e survivant-e est essentiel. il n’y a rien qu’un-e survivant-e a pu faire qui légitime en quoi que ce soit la violence qu’ille a subi.

Si vous êtes le/la partenaire sexuelle d’un-e survivant-e, que vous ayez été leur partenaire avant, pendant ou après le moment de l’agression, faites particulièrement attention lors de vos rapports sexuels. Parfois, la personne ne voudra pas avoir de rapports physiques qu’ils soient sexuels ou même juste affectueux. D’autres fois, l’activité sexuelle lui permettra de retrouver beaucoup de pouvoir. Soyez patient-e et permettez-lui de fixer le rythme et le type d’activités dans lesquelles vous vous engagez. Soyez conscient-e-s que des actions en apparence anodines peuvent faire vriller le/la survivant-e.

Par La FRAP

Front Révolutionnaire Anti-Partriarcal